Présentation
Le projet AgriMultiPol (mars 2017-août 2020) financé par le programme CORTEA de l’ADEME s’est intéressé aux émissions agricoles de polluants atmosphériques (ammoniac, composés organiques volatils, particules, pesticides). Il a mis en évidence la diversité des composés émis à différents postes d’une exploitation agricole, ainsi qu’une période de volatilisation de pesticides observée jusqu’à 3 semaines.

Contexte
L’agriculture est une source importante d’émissions atmosphériques. Nombre d’études ont déjà permis d’estimer ses émissions de gaz à effet de serre ou d’ammoniac (93% des émissions attribuées à l’agriculture), et de développer des solutions pour les réduire. En revanche, les connaissances concernant d’autres polluants comme les particules et leurs précurseurs, notamment les composés organiques volatiles (COV) restent parcellaires. Les inventaires d’émissions nationales du CITEPA indiquent que l’agriculture est une source de polluants atmosphériques de l’ordre de 40% pour les COV et de 7% et 25% pour les particules fines PM2,5 et PM10, respectivement, mais avec de grande incertitudes. Selon la littérature, les émissions agricoles seraient même une source prédominante de particules fines en Europe.
Objectif et stratégie
Le projet AgriMultiPol avait pour objectif d’identifier et de quantifier les polluants clés (COV, pesticides, ammoniac et particules) émis par différentes sources liées aux activités et pratiques d’une exploitation agricole type. Des mesures ont été effectuées au moyen de techniques récentes mais bien établies, au sein de la ferme expérimentale AgroParisTech de Grignon (à 30 km à l’ouest de Paris), qui combine cultures céréalières et élevage (bovins, moutons) dans un contexte péri-urbain.
Deux types d’expérimentations ont été menées :
- Caractérisation des composés à la source (étable, bergerie et extérieur ferme),
- Suivi de l’évolution des composés dans l’atmosphère sur une parcelle sous le vent de la ferme (site ICOS FR-Gri) , et détermination de la contribution des différentes sources agricoles.
Par ailleurs, les émissions de certains de ces composés ont été estimées via une modélisation inverse et la méthode des covariances turbulentes sur certaines périodes.
Résultats
Le relevé des empreintes chimiques ‘exhaustives’ de COV dans les bâtiments d’élevage a permis de détecter, d’identifier et de quantifier plus de 400 composés. Environ la moitié sont des COV oxygénés, un tiers sont des hydrocarbures, et le reste est constitué de composés azotés, soufrés et quelques composés halogénés. Bien qu’assez semblables, les empreintes chimiques de l’étable et de la bergerie se distinguent via quelques spécificités : la triazine n’est détectée que dans l’étable, la pyridine et ses dérivés ne sont détectés que dans la bergerie. Ces composés pourraient donc servir de marqueurs de ces bâtiments d’élevage. Enfin, l’utilisation conjointe des mesures de CO2 a permis de calculer des facteurs d’émission de COV de ces sources qui, extrapolées à l’échelle nationale, seraient du même ordre de grandeur que les sources liées au trafic routier.
Un résultat particulièrement marquant porte sur la mesure en ligne, à l’aide d’un PTR-MS pendant trois semaines, d’un fongicide au-dessus d’une parcelle traitée. Il s’agit des premières mesures en milieu ambiant avec cet analyseur, et de la plus longue durée d’observation de la volatilisation d’un pesticide en conditions ambiantes.
Autres résultats de AgriMultiPol :
- la source agricole contribue à environ 20% des teneurs en COV ambiants ;
- la source agricole contribue aux teneurs en particules fines (en particulier en nitrate) mais à une échelle régionale (comparaison à un site péri-urbain d’Île-de-France) ;
- les épisodes de nucléation de particules ont lieu de jour comme de nuit ; ceux de nuit, rarement observés jusqu’à présent, semblent liés aux activités agricoles à l’échelle régionale ;
- les apports d’herbicides et de lisier entrainent des émissions de certains COVs.
Enfin, la relation entre la signature en 13C du méthane et l’alimentation C3-C4 des animaux apparait valable non seulement pour les bovins mais aussi pour les moutons. Ce fractionnement constant, quel que soit le type d’alimentation et le type de ruminant, pourrait permettre une meilleure estimation de leurs émissions de méthane.
En savoir + :
- Article Agriculture et qualité de l’air (La Météorologie, 2019)
- Article en anglais sur les émissions de COVs dans les bâtiments d’élevage (Science of the Total Environment, 2020)
- Article sur la formation de nouvelles particules sur un site agricole péri-urbain (Science of the Total Environment, 2023)
Coordination et partenaires
Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement – UMR 8212 (CNRS-LSCE)
Laboratoire d’Écologie Fonctionnelle et Ecotoxicologie des Agroécosystèmes – UMR 1402 (INRAE-ECOSYS)
Contact coordination : Valérie Gros