Les variations climatiques passées peuvent offrir des informations précieuses pour contraindre la réponse du système climatique aux forçages externes et aux projections futures. Les données paléoclimatiques fournissent des estimations empiriques des changements climatiques à grande échelle avant l’influence humaine, sur des échelles de temps variées, y compris les transitions glaciaire-interglaciaire qui surviennent environ tous les 100 000 ans depuis un million d’années. Ces données permettent d’estimer les taux de fonte des calottes glaciaires et d’étudier des événements de « points de bascule » entraînant des changements climatiques rapides et significatifs.
Parmi les archives paléoclimatiques, les carottes de glace profonde en régions polaires sont uniques car elles contiennent des enregistrements directs de la composition atmosphérique ancienne, ainsi que des informations sur les précipitations neigeuses et la température. Ma thèse s’est concentrée sur le site de forage EPICA Dome C (EDC) en Antarctique de l’Est, qui offre la plus ancienne archive continue de carotte de glace, documentant les changements climatiques sur des échelles de temps allant jusqu’à 800 000 ans.
Alors que les isotopes de l’eau sont classiquement utilisés pour déduire les températures passées des carottes de glace, nous avons démontré que le δ¹⁵N du N₂ dans les bulles d’air peut également être un indicateur précieux, reflétant la profondeur d’enfermement des bulles liée à la température et à l’accumulation de neige en surface. Un nouveau record de δ¹⁵N du N₂ sur les 800 000 dernières années clarifie la relation temporelle entre le CO₂ atmosphérique et le climat de l’Antarctique lors des déglaciations. De plus, j’ai développé une échelle de temps affinée pour cinq carottes de glace profonde, appelée Chronologie des Carottes de Glace de l’Antarctique (AICC) 2023, réduisant l’incertitude de l’âge EDC de 1 700 à 900 ans. Cette chronologie s’aligne mieux avec d’autres archives paléoclimatiques et améliore l’identification des séquences d’événements climatiques, tels que les changements d’insolation, les gaz à effet de serre, le niveau de la mer et les températures.
Notre étude préliminaire suggère que le CO₂ atmosphérique précède le niveau de la mer dans six des sept dernières déglaciations. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les relations causales entre les forçages externes et la réponse climatique. Mon travail combine la modélisation glaciologique et statistique avec l’analyse d’échantillons d’air d’EDC et d’autres archives paléo, contribuant à améliorer les reconstructions climatiques, à réduire les incertitudes de datation et à affiner les cadres chronologiques pour une meilleure compréhension du système climatique terrestre lors des transitions glaciaire-interglaciaire.

04/10/2024 – Soutenance de thèse de Marie Bouchet sous la supervision de Amaëlle Landais et Frédéric Parrenin