
Les éruptions volcaniques sous-marines influencent significativement la géochimie des océans et des sédiments par le biais de divers processus, notamment la formation de panaches hydrothermaux, l’émission de fluides, l’extrusion de coulées de lave et le dépôt de matériaux pyroclastiques (téphra). L’ampleur et l’impact de ces apports sur la composition et la biogéochimie des sédiments, à des échelles temporelles courtes, demeurent toutefois à quantifier avec précision. C’est dans cette optique que la campagne scientifique multidisciplinaire GEOFLAMME a été réalisée en mai 2021 à bord du N.O. Pourquoi Pas ?. Cette mission avait pour objectif principal l’étude du volcan sous-marin Fani Maore, récemment formé sur le flanc oriental immergé de Mayotte (archipel des Comores, océan Indien). La stratégie d’échantillonnage a reposé sur le prélèvement de carottes de sédiments le long de deux transects orientés vers l’est, depuis le volcan jusqu’à l’océan ouvert. L’objectif de cette étude est d’évaluer les altérations diagenétiques des sédiments en réponse à l’activité volcanique récente. Les analyses menées incluent la caractérisation des phases solides par fluorescence et diffraction des rayons X, la quantification du carbone organique particulaire (POC) et l’analyse de ses signatures isotopiques (δ13C-POC ; Δ14C-POC), ainsi que l’étude des eaux interstitielles (carbone inorganique dissous – DIC ; alcalinité ; NO3- + NO2- ; SO4 ; dFe ; dMn). Les résultats indiquent une faible minéralisation de la matière organique ainsi qu’une altération limitée des matériaux volcaniques sur l’ensemble de la zone étudiée. Toutefois, à proximité immédiate du volcan et des coulées de lave, une augmentation significative des concentrations en DIC, en alcalinité et en Mg2+ est observée en profondeur, tandis qu’une diminution marquée en Ca2+ et Sr2+ est mise en évidence. Ces gradients de concentration sont interprétés comme la conséquence de la diffusion d’un fluide magmatique enrichi en CO2, dont la signature géochimique révèle des interactions entre fluide et roche. Cette hypothèse est corroborée par les signatures isotopiques du DIC (δ13C-DIC ; Δ14C-DIC) ainsi que par le rapport isotopique 87Sr/86Sr. En outre, ces processus conduisent à la précipitation de carbonates en profondeur dans la colonne sédimentaire. Cette étude démontre que l’interaction entre le dégazage magmatique du CO2 et les roches volcaniques favorise une carbonatation naturelle en profondeur, processus qui diffère des systèmes volcaniques plus établis. Ces résultats contribuent à une meilleure compréhension de la biogéochimie des sédiments en contexte éruptif sous-marin, et ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement et l’affinement de proxys volcaniques applicables aux environnements marins.

