Méthodes Statistiques

Présentation

Les événements climatiques extrêmes tels que les vagues de chaleur, les inondations, les périodes de sécheresse, et les cyclones, ont des conséquences considérables sur notre environnement et nos sociétés. La compréhension et la modélisation de ces extrêmes climatiques exigent une expertise approfondie à différentes échelles spatiales, allant des grandes structures liées à la dynamique atmosphérique jusqu’aux phénomènes très locaux. De même, une perspective à différentes échelles temporelles est cruciale, couvrant l’étude des processus actuels et des climats passés, ainsi que l’évolution des caractéristiques des événements extrêmes lors de changements climatiques globaux, qu’ils soient passés, actuels ou futurs. Les travaux résumés ci-après, réalisés par les équipes ESTIMR et CLIM, ont contribué à mieux comprendre, modéliser et attribuer des phénomènes climatiques extrêmes.

Les cyclones tropicaux et méditerranéens représentent des catastrophes aux coûts élevés et aux conséquences potentiellement dévastatrices. Stella Bourdin, lors de sa thèse, a étudié la représentation de ces phénomènes par les modèles de circulation atmosphérique générale LMDZ (grille régulière) et ico-LMDZ (grille icosaédrique), pour un ensemble de six simulations couvrant des résolutions spatiales allant de 200 à 25km. Bourdin et al (2022) ont tout d’abord comparé différentes méthodes de détection des cyclones tropicaux, appliquées à la réanalyse ERA5, et montré que toutes ces méthodes permettent de détecter environ 80% des cyclones observés. Les différences sont restreintes aux cyclones faibles et/ou de courte durée. L’activité cyclonique simulée par les deux modèles LMDZ et ico-LMDZ augmente fortement avec la résolution spatiale jusqu’à atteindre des résultats réalistes pour la plus fine résolution étudiée. Cette résolution permet une meilleure représentation de la répartition géographique et de la structure des cyclones, notamment dans le Nord Atlantique où le modèle IPSL a démontré une performance remarquable. L’extension de l’étude aux cyclones méditerranéens (« medicanes ») a montré pour la première fois la capacité du modèle à reproduire fidèlement leur climatologie.

Ces recherches permettent d’aborder des phénomènes jusqu’alors peu étudiés, les simulations climatiques s’appuyant généralement sur des modèles à plus faible résolution. Elles ouvrent la voie à des études d’attribution de ces phénomènes aux changement climatique. Le LSCE a joué un rôle significatif dans le développement et l’application de méthodologies d’attribution des événements extrêmes au changement climatique en cours. Cette approche vise à analyser divers événements météorologiques extrêmes en déterminant dans quelle mesure le changement climatique d’origine humaine a contribué à l’intensité ou à la fréquence de ces phénomènes. En utilisant la méthodologie d’attribution conditionnelle, qui repose sur la recherche des conditions similaires à celles observées lors d’un événement extrême spécifique, le LSCE a examiné plusieurs cas, notamment la tempête hivernale Filomena en Espagne, la vague de froid d’avril 2021 en France, la canicule méditerranéenne d’août associée à des incendies en Grèce et en Italie, l’essaim de tornades dans la vallée du Pô en septembre, et le Medicane Apollo provoquant des inondations en Sicile en octobre. Cette approche a également été utilisée dans l’attribution plus détaillée du cyclone extratropical Alex touchant le sud de la France en 2020.

Au-delà de l’analyse d’événements spécifiques, le LSCE a étendu l’utilisation de la méthodologie d’attribution pour détecter des tendances dans la fréquence des événements extrêmes et attribuer des phénomènes tels que la sécheresse euro-méditerranéenne de 2022. Cette approche a été appliquée pour évaluer l’impact du changement climatique d’origine anthropique sur les cyclones méditerranéens influant sur la ville de Venise, permettant d’évaluer l’efficacité des stratégies d’adaptation contre les inondations dans la ville. Cette méthode d’attribution conditionnelle définie par Faranda et al (2022) est à la base de l’initiative ClimaMeter, un cadre expérimental rapide piloté par l’équipe ESTIMR du LSCE, comptant plus de 20 scientifiques de renommée internationale. ClimaMeter permet de comprendre les événements météorologiques extrêmes dans un climat en évolution en se basant sur l’examen de situations météorologiques passées similaires. Le cadre ClimaMeter offre une approche dynamique pour contextualiser et analyser les événements météorologiques extrêmes dans le contexte climatique actuel. Cette initiative permet une compréhension immédiate et accessible du public, ainsi qu’une analyse technique approfondie. En quelques mois, ClimaMeter a analysé plus de 25 événements extrêmes au niveau mondial et généré plus de 150 articles de presse dans 30 pays du monde.

Nos travaux sur les extrêmes ne se limitent pas à la modélisation explicite et à l’attribution ; ils permettent également la réalisation de projections simplifiées. Une approche novatrice repose sur l’utilisation d’algorithmes d’événements rares issus de la physique statistique. Ces algorithmes ont été employés pour « pousser » les modèles climatiques vers des scénarios extrêmes physiquement plausibles. Les résultats de l’étude suggèrent que la température record de 2003 pourrait être dépassée de plusieurs degrés Celsius bien avant 2050 (Yiou et al. 2023). Cette approche novatrice de simulation est aussi appliquée au modèle climatique de l’IPSL, grâce à un développement ingénieux de l’équipe Calculs pour lancer des ensembles de simulations. Les premiers résultats montrent une forme d’unicité des mécanismes physiques qui conduisent aux vagues de chaleur les plus intenses en France (thèse de Robin Noyelle).


  • Bourdin, S., Fromang, S., Dulac, W., Cattiaux, J., and Chauvin, F.: Intercomparison of four algorithms for detecting tropical cyclones using ERA5, Geosci. Model Dev., 15, 6759–6786, https://doi.org/10.5194/gmd-15-6759-2022, 2022
  • Faranda, D., Bourdin, S., Ginesta, M., Krouma, M., Noyelle, R., Pons, F., … & Messori, G. (2022). A climate-change attribution retrospective of some impactful weather extremes of 2021. Weather and Climate Dynamics, 3(4), 1311-1340.
  • Yiou, P., Cadiou, C., Faranda, D., Jézéquel, A., Malhomme, N., Miloshevich, G., … & Vrac, M. (2023). Ensembles of climate simulations to anticipate worst case heatwaves during the Paris 2024 Olympics. npj climate and atmospheric science, 6(1), 188.