Par Jérôme Santolini, DR CEA, Responsable du laboratoire Stress Oxydant et Détoxication à l’Institut de Biologie Intégrative de la Cellule (UMR 9198)
Mercredi 4 décembre 2024 à 11h salle 1129
Résumé:
L’azote est un élément clé du vivant en raison des rôles essentiels qu’il joue tant au niveau biologique qu’écologique. En tant que brique fondamentale des biomolécules, il constitue un élément limitant la croissance des organismes vivants, tout en étant indispensable à leur bon fonctionnement au travers des espèces réactives de l’azote, comme le monoxyde d’azote. Son cycle écologique, qui s’appuie sur une biochimie riche et complexe, assure l’interaction dynamique entre organismes et écosystèmes et l’interconnexion des principaux cycles planétaires.
Cependant, l’Anthropocène a vu l’irruption d’une autre histoire de l’azote, marquée par l’industrialisation de la production de nitrate d’ammonium via le procédé Haber-Bosch. Ce procédé a permis la production de dizaines de millions de tonnes d’ammoniaque chaque année, introduisant près de 10 gigatonnes d’azote réactif dans la biosphère depuis un siècle, une quantité équivalente à celle présente dans la biomasse mondiale. Ce phénomène a largement franchi les limites planétaires, redéfinissant les enjeux écologiques et sociaux. En effet, si cette production massive a permis d’alimenter une population mondiale en constante augmentation, elle a aussi engendré de graves dérèglements environnementaux et sanitaires. Parmi les conséquences les plus significatives, on compte l’eutrophisation des sols et des eaux, le réchauffement climatique, la pollution atmosphérique, la perte de biodiversité, et le développement de nombreuses maladies chroniques.
Cette situation incarne l’un des paradoxes de l’Anthropocène : l’azote est à la fois un élément indispensable aux sociétés humaines et une menace pour la pérennité des écosystèmes et l’habitabilité de notre planète. L’azote réactif, sources de nombreuses externalités négatives, est au cœur de cette tension. Une question alors se pose : comment ajuster nos systèmes et nos politiques face à cette Crise de l’Azote ?
Cette présentation s’efforcera de décrire les propriétés chimiques et biologiques de ces composés qui constituent le monde de l’azote réactif, d’analyser l’histoire de notre relation avec ces molécules et la façon dont aujourd’hui il perturbe et déstabilise nos systèmes, écologiques, sociaux, économiques, politiques. Elle proposera de nouvelles approches pour évaluer, modéliser et réguler les flux et l’impact de l’azote réactif sur la biosphère. À travers une réflexion transdisciplinaire, elle cherchera à réinterroger la place de ces savoirs dans l’élaboration des politiques humaines.