L’intelligence artificielle pour identifier les modèles CMIP6 à partir d’une seule carte de pression

L’intelligence artificielle pour identifier les modèles CMIP6 à partir d’une seule carte de pression

Pascal Yiou and Soulivanh Thao, LSCE, ESTIMR :

Motivation

On fait souvent l’hypothèse que les différents modèles climatiques globaux (GCM) sont interchangeables lorsqu’on analyse des simulations ou qu’on construit des systèmes d’apprentissage automatique. Mais que se passe-t-il si les modèles atmosphériques quotidiens produits par chaque modèle CMIP6 portent en réalité une « empreinte » distincte ? Dans cette étude, nous cherchons à déterminer si une classification avec un réseau neuronal est capable de reconnaître les GCM sélectionnés dans les archives CMIP6 (ou des données de réanalyses) à partir d’une carte quotidienne de pression au niveau de la mer (SLP) sur la région de l’Atlantique Nord.

Résultats clés

  • Le réseau de neurones obtient de bons résultats d’identification en été (juin-juillet-août), classant correctement plus de 60 % des cartes quotidiennes dans le bon modèle. Pour les autres saisons (printemps, automne, hiver), les performances diminuent considérablement, en particulier en hiver où les modèles et la réanalyse deviennent plus difficiles à distinguer (Figure 1).
  • Le réseau de neurones peut identifier des modèles « frères » (c’est-à-dire présentant des configurations  de paramètres atmosphériques ou océaniques différentes) pendant la saison estivale.
  • Une analyse du réseau de neurones révèle que des détails spatiaux subtils dans les champs SLP, tels que la pression près du Sahara, de la Méditerranée, du Groenland ou les ondulations dans l’Atlantique Nord, aident à distinguer les modèles les uns des autres.

Implications plus larges

  • Le fait que les modèles soient identifiables à partir d’une seule carte SLP quotidienne signifie qu’ils ne sont pas vraiment interchangeables à cette résolution temporelle et spatiale. Regrouper leurs résultats sans précaution peut induire en erreur l’apprentissage automatique ou les analyses statistiques.
  • Nous suggérons que le regroupement des modèles par famille (plutôt que de traiter tous les modèles comme indépendants) peut être une stratégie robuste lors de la génération de grands ensembles pour des études d’attribution ou d’événements extrêmes.
  • Du point de vue de l’IA dans les prévisions météorologiques/climatiques : si l’on souhaite entraîner des systèmes d’IA à partir de grandes archives dérivées de modèles afin d’améliorer les capacités de prévision, il faut être conscient que les variabilités spatio-temporelles de chaque modèle peuvent différer. Des étapes de correction des biais peuvent être nécessaires.

En bref : même un réseau de neurones simple peut déterminer quel modèle a produit une carte quotidienne de pression atmosphérique dans l’Atlantique Nord, en particulier en été, ce qui indique que les modèles comportent des structures internes de variabilité distinctes. Cela remet en question l’hypothèse courante selon laquelle les ensembles multimodèles sont librement interchangeables et ouvre de nouvelles perspectives sur la manière dont nous pourrions regrouper les modèles, corriger les biais ou concevoir des systèmes de prévision basés sur l’IA à partir des résultats des modèles climatiques.

Figure: Tests de classification. Probabilités empiriques de classification des modèles CMIP6 ou ERA5 sur ces modèles, pour les quatre saisons (panneaux a à d). Les simulations des modèles CMIP6 sur les axes verticaux sont distinctes des simulations d’entraînement sur les axes horizontaux. Les couleurs plus foncées indiquent des probabilités plus élevées. Les simulations des modèles répertoriées sur l’axe vertical sont classées dans la liste des modèles sur l’axe horizontal.

Yiou, P., and S. Thao, 2025: Using artificial intelligence to identify CMIP6 models from daily SLP maps. npj Clim Atmos Sci, 8, 366, https://doi.org/10.1038/s41612-025-01246-y.