Sous l’effet du changement climatique, les mers côtières sont soumises à des apports fluviaux de plus en plus variables, avec des périodes de sécheresse accrue et une augmentation des épisodes de crues intenses. Les écosystèmes marins côtiers subissent également des tempêtes plus intenses et des périodes de vagues de chaleur sans précédent, notamment en Méditerranée (2022, 2023). Afin d’avoir une meilleure perception de l’influence de ces phénomènes sur le milieu côtier, l’équipe OCEANIS a organisé, dans le cadre du chantier Golfe du Lion-Rhône du PPR-RiOMar, un grand programme de suivi d’une année de l’embouchure du Rhône, à raison d’une sortie de trois jours en mer tous les 15 jours en 2023-2024.
L’objectif était de mieux comprendre les mécanismes biogéochimiques qu’induisent les évènements de forte intensité (crues, tempêtes) dans la colonne d’eau et les sédiments. Les crues du Rhône sont responsables d’une fraction importante des apports dissous (50%) et particulaires (75%) au domaine côtier sur des périodes très courtes (1 à 2 semaines par an). Ces apports influencent largement le devenir de la matière organique particulaire, qu’elle soit d’origine fluviale et marine, entre dégradation, export ou enfouissement, la part la plus importante de ces apports étant déposé dans les sédiments du prodelta. Par ailleurs, les vagues de chaleur marine qui s’intensifient en Méditerranée ont des effets négatifs et durables sur les habitats des espèces fixées (coraux, gorgones), mais on ne possède que peu d’information concernant l’impact sur la faune et la biogéochimie des sédiments. C’est pourquoi l’équipe OCEANIS, en collaboration avec le MIO de Marseille, l’Observatoire Océanologique de Banyuls-sur-Mer, le CEFREM de Perpignan, le LOPS de Brest et l’Université de Nîmes, a mis en place le suivi des apports et transformations biogéochimiques dans la colonne d’eau et les sédiments, à l’aide de séries de carottages et de mesures dans la colonne d’eau d’octobre 2023 à septembre 2024 afin d’apporter des réponses sur l’impact de ces évènements sur les écosystèmes pélagiques et benthiques.

Ce sont au total 12 sorties en mer qui auront été effectuées sur un total de 15 prévues : certaines sorties ont dû être annulées pour cause de mauvais temps. Ces campagnes ont été menées avec des sorties à la journée sur le N/O Antédon II de Marseille.

Il y aura été réalisé des carottages et de l’hydrologie (sonde CTD-O2 et bouteille Niskin) sur deux stations dans le prodelta du Rhône : Station Mesurho (20 m de profondeur) et AK (45 m de profondeur).

Lors de ces missions, les sédiments et leurs eaux interstitielles ont été prélevées en vue de la mesure du DIC, de l’alcalinité totale, de l’ammonium, des sulfates, du méthane et de la porosité, permettant d’effectuer des bilans de matière sur la dynamique du recyclage pendant et suivant la période de crue et de vague de chaleur. Des carottes ont été prélevées pour mesurer les flux d’échange à l’interface eau-sédiment à partir d’incubations de carotte au MIO. Des bennes Van Veen ont également été échantillonnées afin d’estimer les changements de biodiversité de la macrofaune liés aux vagues de chaleur estivales : celles-ci n’ont pas eu lieu en 2024 et cette partie du projet est à poursuivre en 2025. L’analyse des résultats de ces campagnes entre dans la thèse d’Ocea Van Loenen et dans le programme PPR-RiOMar.
La colonne d’eau a également été échantillonnée en surface et au fond selon le protocole du SOMLIT pour y réaliser un suivi physico-biogéochimique : Température, salinité, O2 dissous, DIC, alcalinité, pH, nutriments, métaux, chlorophylle, MES, POC, DOC. De plus, un mini-AUV a été déployé pendant la crue de Novembre pour réaliser des radiales de physico-chimie (T, S) entre la côte et la station Mesurho.
Toutes ces mesures et prélèvements d’eau et de sédiment sont en cours d’analyse. Ils serviront à quantifier les apports du Rhône et les dynamiques biogéochimiques associées, dans la colonne d’eau et les sédiments du prodelta du Rhône en fonction des évènements extrêmes. Nota bene : Bien conscient de la necessité de limiter le plus possible notre emprunte carbone, ces missions ont été réalisées en alternance entre le LSCE et le MIO (Univ Aix-Marseille et CNRS): celles de début du mois pour le LSCE (utilisation du TGV pour se rendre à Marseille) et celles du milieu de mois effectuées par le MIO
Photos : Lars-Eric Heimbürger et Google Earth