Enregistrement des hydrocarbures aromatiques polycycliques dans un dépôt urbain de carbonates secondaires au cours des trois derniers siècles (Paris, France)

Enregistrement des hydrocarbures aromatiques polycycliques dans un dépôt urbain de carbonates secondaires au cours des trois derniers siècles (Paris, France)

Préserver les ressources en eau et limiter les pollutions sont des enjeux environnementaux centraux dans le contexte actuel d’anthropisation intense.

Parmi les polluants organiques, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont couramment analysés dans le cadre des évaluations de la qualité de l’eau. Après avoir été émis dans l’atmosphère, ces polluants organiques persistants se déposent à la surface du continent, où ils sont transportés vers l’environnement aquatique par les eaux de ruissellement et d’infiltration. Principalement dus aux émissions anthropiques, les HAP peuvent donc être considérés comme un indicateur des activités humaines. Les dépôts urbains secondaires de carbonate (USCD), semblables aux spéléothèmes des grottes, ont été récemment étudiés pour leur potentiel en tant qu’archives naturelles de la qualité de l’eau. Cependant, les USCD n’ont jamais été utilisés pour retracer la pollution organique de l’eau et seules quelques études sur les HAP dans les spéléothèmes sont disponibles. Cette étude se concentre sur un USCD bien daté couvrant les 300 dernières années et provenant du Grand Aqueduc de Belleville (au nord-est de Paris, en France). L’objectif est de déterminer la nature et la variation des composés organiques piégés au cours du temps et de discuter de leur origine, de leur transport et de leur lien avec les changements dans l’occupation du sol dus aux activités.

Figure 1. HAP et contexte chronologique. Les quatre cartes d’urbanisation de Belleville sont extraites et modifiées à partir de Huard (2019). La démographie (Pop.) est exprimée en habitants et résulte d’une combinaison de la démographie de Belleville avant 1860 issue de l’EHESS (http://cassini.ehess.fr/fr/html/), et de la démographie des 19e et 20e arrondissements de Paris enregistrée par l’Insee après 1860 (https://www.insee.fr/fr/statistiques/3698339). Les sources identifiées par le ratio FLA/(FLA+PYR) sont représentées par des icônes sur la gauche : les valeurs < 0,4 correspondent aux sources pétrogéniques, les valeurs > 0,5 à la combustion d’herbe, de bois ou de charbon, et les valeurs entre 0,4 et 0,5 à la combustion de combustibles fossiles.

Pour ce faire, des analyses d’imagerie par fluorescence UV en phase solide à haute résolution ont été combinées à des analyses chimiques des HAP et du carbone organique effectuées sur des échantillons de faible poids. Les résultats montrent que les HAP sont présents dans les eaux de surface urbaines depuis 300 ans. Au cours des dernières décennies, une multiplication par 7 est observée, accompagnée d’un changement de la source de pollution, enrichie en HAP de haut poids moléculaire, probablement liée aux poussières urbaines. Cette étude met également en évidence des modes de transport directement influencés par des changements dans l’occupation du sol très différents de ceux habituellement rencontrés dans les milieux naturels. Ce travail ouvre donc la voie à une meilleure compréhension à long terme de l’impact de l’activité humaine sur le transfert des polluants vers les eaux de sub-surface.

Référence: Garagnon, J., Perrette, Y., Naffrechoux, E., Pons-Branchu, E., 2023. Polycyclic aromatic hydrocarbon record in an urban secondary carbonate deposit over the last three centuries (Paris, France). Science of the Total Environment 905, 167429.