Dans l’archipel des Tuamotu, au centre du Pacifique Sud, certains atolls du nord-ouest – par exemple Makatea, Mataiva, Tikehau, Rangiroa, Kaukura, Niau et Anaa – présentent des calcaires récifaux surélevés, localement à des altitudes inhabituelles au-dessus du niveau actuel de la mer.
Ces îles étaient auparavant interprétées comme ayant été principalement soulevées par une flexure lithosphérique générée par la charge des édifices volcaniques élevés de la Société voisine (Tahiti, Moorea). Une réévaluation des données de terrain antérieures et des datations supplémentaires des séries d’uranium, de l’ESR et des isotopes de strontium des calcaires récifaux exposés révèlent que le modèle de charge induite par la flexion ne rend pas compte de l’histoire de l’évolution tectonique des 7 atolls soulevés du nord-ouest des Tuamotu, mentionnés plus haut. Un nouveau scénario géodynamique est proposé, impliquant le rajeunissement thermique épisodique de la houle du point chaud de la Société, générant ainsi une bosse asthénosphérique. À Makatea, Mataiva, Tikehau, Rangiroa et Kaukura, les sous-sols et les bordures de récifs sont connus pour être d’âge miocène.
A Makatea, l’île la plus proche du centre de la bosse, le plateau supérieur culmine actuellement à 113 m au-dessus du niveau moyen actuel de la mer (pmsl), tandis que sur les autres atolls, en position périphérique, des restes de calcaires récifaux se situent entre 2,5 et 12 m au-dessus du pmsl. À Niau, la bordure récifale de l’atoll, constituée d’un noyau pliocène, localement recouvert par des unités récifales du Pléistocène supérieur, culmine à +7,5 m. À Anaa, la bordure récifale est strictement composée de dépôts récifaux du Pléistocène supérieur à des élévations d’environ +4-5 m. Makatea, Mataiva, Tikehau, Rangiroa et Kaukura, qui reposent sur la plaque du Pacifique, se sont déplacés vers le nord-ouest et sont donc entrés dans la zone d’influence de la houle du point chaud, il y a environ deux millions d’années (Ma). La phase de réchauffement du point chaud qui a généré les édifices de Moorea et de Tahiti a entraîné le soulèvement de Makatea – à des taux estimés à long terme d’environ 0,16 à 0,20 mm/an – et des atolls les plus proches. En revanche, les atolls les plus au sud-est (Niau et Anaa), situés à l’époque plus au sud-est de la houle du point chaud, sont supposés avoir continué à s’affaisser selon les conditions normales de refroidissement de la croûte terrestre. De 0,5 Ma à 0,3 Ma environ, en raison de leur mouvement continu vers le nord-ouest, les îles les plus au nord-ouest ont fini par échapper à l’influence du point chaud et ont commencé à se re-subtiliser. Dans le même temps, les atolls Niau et Anaa, de plus en plus soumis aux effets de réchauffement du point chaud, probablement en relation avec l’activité des volcans subaériens Tahiti-Iti et Mehetia, ont cessé de s’affaisser et ont probablement été légèrement soulevés avant d’être stabilisés. Cette hypothèse est étayée par la présence de récifs de haute altitude de l’Interglaciaire dernier à des altitudes actuelles proches de leur position eustatique présumée. Le scénario de reprise du soulèvement, de la stabilisation et de l’affaissement est cohérent avec un mouvement vers le nord-ouest d’îles emportées sur un tapis roulant, c’est-à-dire la plaque Pacifique en dérive, passant sur un panache mantellique rajeuni.
Référence:
Montaggioni L.F., Pons-Branchu E., Fournier F., Martin-Garin B., Dapoigny A., Marié L., Salvat B., 2023. Revisiting the geodynamical history of the so-called uplifted atolls, north-west Tuamotu, French Polynesia, central South Pacific. Earth-Science Reviews, 104532.