Les carottes de glace forées aux pôles recèlent d’informations sur le climat et l’environnement dans le passé. En particulier, les carottes de glace forées au Groenland ont permis d’identifier 25 changements climatiques abrupts au cours de la dernière période glaciaire (~115 000 ans-15 000 ans) dûs à la variabilité naturelle du système climatique. Ces changements climatiques étaient associés à des réchauffements pouvant atteindre 16°C en quelques décennies à la surface du Groenland. Une nouvelle étude à laquelle participent des chercheuses du CNRS permet de caractériser précisément pour la première fois, la durée et l’amplitude des changements climatiques et environnementaux qui se sont produits au sein de l’Hémisphère Nord au cours de chacun de ces évènements rapides.
L’exploration des mécanismes responsables de ces variations rapides nécessite des enregistrements à l’échelle sub-décennale des changements environnementaux et climatiques régionaux au cours des transitions abruptes afin d’évaluer si les résultats des modèles climatiques sont cohérents avec les changements reconstruits. Une telle résolution temporelle reste cependant difficilement atteignable dans la plupart des archives naturelles du climat.
Dans cette étude, nous avons obtenu et utilisé des enregistrements à haute résolution (3 à 5 ans) issus de deux carottes de glace du Groenland : les carottes de glace NorthGRIP et NEEM. L’un des points forts des carottes de glace du Groenland est qu’elles contiennent des traceurs qui enregistrent les changements climatiques dans différentes régions de l’hémisphère nord. Les isotopes de l’oxygène de la glace (le δ18O) renseignent sur le climat du Groenland, le d-excess, issus de la combinaison de deux isotopes de l’eau dans la glace (δD et δ18O), trace les changements aux latitudes moyennes, la concentration de sodium représente un indicateur qualitatif de l’étendue de la glace de mer dans l’Atlantique Nord, et la concentration de calcium reflète les changements environnementaux aux basses latitudes et l’efficacité des vents qui transportent les impuretés des basses aux hautes latitudes. Nous avons développé un outil statistique pour déterminer la date du démarrage des transitions abruptes, leur durée, ainsi que l’amplitude des changements locaux et régionaux associés à chaque réchauffement du Groenland pendant la dernière période glaciaire. Nous pouvons ainsi caractériser l’anatomie de ces évènements abrupts du passé.
Auteurs : E. Capron, S. O. Rasmussen, T. J. Popp, V. Gkinis, B. Vaughn, T. Erhardt, H. Fischer, A. Landais, J. Pedro, G. Vettoretti, A. Svensson, B. M. Vinther, T. Blunier, J. P. Steffensen, J. W. C. White
Ref. : Nature Communication, 12, 2106 (2021)
