Au cours des dernières décennies, le réchauffement de l’Arctique a été 3 à 4 fois plus rapide que celui du reste du monde, un phénomène connu sous le nom d’amplification arctique. Les effets du réchauffement climatique sont particulièrement visibles sur la fonte de la glace de mer, des glaciers continentaux et du permafrost. Mais de nombreuses autres perturbations sont beaucoup plus difficiles à observer, notamment au niveau des écosystèmes pélagiques et benthiques de l’océan Arctique. Ces zones polaires, éloignées et difficiles d’accès, sont encore très mal connues même si elles jouent un rôle clé dans la régulation du climat.
Dans le cadre du projet REFUGE ARCTIC, porté par Mathieu Ardyna (IRL Takuvik, Université Laval, Québec), une expédition océanographique internationale a été organisée du 08/08 au 03/10/24 dans l’Archipel Arctique Canadien. A bord du brise-glace de recherche NGCC Amundsen, opéré par la garde côtière canadienne avec l’appui d’Amundsen Sciences, plus de 80 scientifiques se sont relayés pendant 2 mois pour échantillonner ces écosystèmes méconnus.
Au départ d’Iqaluit, capitale du Nunavut, le premier leg s’est concentré sur les fjords, les glaciers continentaux et la mer de Lincoln. Après un changement d’équipage sur la base américaine de Thulé, située au nord du Groenland, le second leg a exploré le détroit de Nares qui relie la mer de Baffin à la mer de Lincoln en sillonnant au milieu des glaces et des icebergs.
Trois équipes du LSCE (GEOTRAC, OCEANIS et PALEOCEAN) se sont impliquées dans le projet et ont participé à l’expédition polaire. Les travaux conduits en mer portaient sur la dynamique de l’interface air-mer, les propriétés physico-chimiques des dernières glaces pluriannuelles, les réseaux trophiques océaniques, le cycle du carbone et des carbonates et le transfert des contaminants (métaux traces, mercure, micro-plastiques). Les équipes du LSCE ont analysé et collecté de nombreux échantillons d’eau de mer, de glace et de sédiment.
Les échantillons seront de retour en France en décembre 2024 et nous les étudierons sur les prochaines années. Les résultats attendus permettront de mieux quantifier le niveau d’acidification des eaux arctiques, de comprendre le cycle océanique du carbone avec des mesures des isotopes du carbone organique et inorganique (δ13C et ∆14C), dissous et particulaire, et d’identifier les différentes masses d’eaux avec les isotopes de l’eau. L’étude des dépôts sédimentaires, qui témoignent des évolutions passées de ces zones particulièrement sensibles et vulnérables, apportera des informations sur les bouleversements récents, notamment lors du début de l’Holocène, période plus chaude que la période préindustrielle.
Photos : LSCE et Science Amundsen