Sensibilité de la calotte eurasienne au réchauffement atmosphérique et océanique lors de la la dernière déglaciation

Sensibilité de la calotte eurasienne au réchauffement atmosphérique et océanique lors de la la dernière déglaciation

Au cours du dernier maximum glaciaire (DMG, 26-19 ka), la calotte eurasienne (Eurasian Ice Sheet, EIS) se composait de trois sous-calottes distinctes, recouvrant respectivement les îles britanniques (British Isles Ice Sheet, BIIS), la Fennoscandie (Fennoscandian Ice Sheet, FIS), et les mers de Barents et de Kara (Barents-Kara Ice Sheet, BKIS). Dans cette étude, une attention particulière est portée à BKIS, souvent considérée comme un analogue potentiel de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental (West Antarctic Ice Sheet, WAIS) actuelle, en raison de sa base située sous le niveau de la mer. Par conséquent, une analyse approfondie du comportement de BKIS lors de la dernière déglaciation pourrait fournir des informations précieuses sur les changements actuels et futurs de WAIS.

En utilisant le modèle de calotte glaciaire GRISLI2.0, nous avons effectué un ensemble de simulations pour étudier la sensibilité de BKIS à une augmentation des températures atmosphérique et océanique, afin de mieux comprendre leur contribution relative au recul de cette calotte. Nous montrons pour la première fois une influence dominante du réchauffement atmosphérique. En effet, en réponse à l’augmentation des températures atmosphériques, la fonte de surface modifie la géométrie de la calotte en créant des plates-formes de glace flottante. Ces modifications favorisent l’apparition d’instabilités mécaniques qui entrainent un recul significatif de la calotte.

MISI
L’image montre le processus d’instabilité marine des calottes glaciaires (Marine Ice Sheet Instability, MISI). La calotte glaciaire est représentée en blanc et gris et repose sur un socle rocheux incliné vers l’intérieur du continent (retrograde slope). La pente rétrograde favorise un recul instable de la ligne d’échouage (grounding line), car le flux à la ligne d’échouage est proportionnel à l’épaisseur de glace. Par conséquent, plus la calotte recule, plus l’épaisseur de glace est importante, et plus le flux augmente, accélérant le recul. Adapté de Siegert et al. (2020).

Ce processus va à l’encontre de ce qui est actuellement observé en Antarctique de l’Ouest où les instabilités glaciaires sont déclenchées par le réchauffement océanique. Cette différence entre les deux calottes s’explique principalement par le fait que les températures atmosphériques actuelles en Antarctique sont beaucoup plus basses que celles estimées en Eurasie pendant le DMG, ce qui rend WAIS moins sensible aux variations atmosphériques. Cependant, les projections climatiques prévoient une augmentation significative des températures atmosphériques en Antarctique au cours des prochaines décennies, ce qui pourrait rendre WAIS aussi vulnérable que EIS et ainsi accélérer son recul.

Barents-Kara Ice Sheet
La figure représente la perte d’épaisseur de glace (%) après 1 000 ans de simulation de l’EIS pour une augmentation des températures atmosphériques de +5°C. Une diminution totale de l’épaisseur est représentée en bordeaux, tandis qu’une faible perte ou absence de perte est indiquée par des teintes bleues.

Auteurs : Victor Van-Aalderen, Sylvie Charbit, Christophe Dumas et Aurélien Quiquet

Article : https://cp.copernicus.org/articles/20/187/2024/